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La minéralogie des sols

Formation, composition et analyse des sols

On oublie qu’il fût une époque… sans sols ! En effet, sans plantes, aucun sol épais ne peut véritablement se former. Or, les plantes ne sont apparues sur Terre qu’il y a 470 millions d’années…

Faute de sols, composés de débris d’origine végétale et de minéraux, qui retiennent l’eau des précipitations, les ruissellements sont intenses et rapides. Faute de sols permettant le développement des végétaux, les animaux ne peuvent pas non plus survivre à la surface de la Terre…

Ainsi les sols apparaissent essentiels aux écosystèmes terrestres tels que nous les connaissons aujourd’hui. Ils font partie intégrante de nos paysages, nous nourrissent via l’agriculture, et nous les foulons tous les jours de nos pieds sans même les remarquer ! Mais qu’est-ce qu’un sol ? Comment se forme-t-il et quels sont les éléments qui le composent ? Comment analyse-t-on un sol et pourquoi ?

Cette page vous propose une plongée sous terre, au cœur des minéraux du sol, juste sous nos pieds, avant d’en découvrir plus, pourquoi pas, au sein du Minerallium, exposition du Fonds de Dotation Roullier, présentant le rôle des minéraux pour la nutrition végétale, animale et humaine.

 

Sol d'une forêt avec beaucoup d'humus

Définition et importance de la minéralogie des sols dans l’étude des écosystèmes

De quoi est constitué un sol ? Dans nos régions tempérées, les minéraux représentent la composante principale du sol (environ 95% de celui-ci), alors que la matière organique, l’humus, à la surface, n’en représente que 1 à 5% maximum. Ces minéraux proviennent soit de la roche-mère, la base du sol sur laquelle celui-ci s’est développé (notamment des feldspaths, micas et quartz le plus souvent), soit de la transformation de minéraux préexistants, comme les oxydes et hydroxydes de fer par exemple, ou les argiles.

Les propriétés physiques et chimiques des minéraux régulent diverses fonctions dans les sols. En effet, du fait de leur nature et leur organisation dans l’espace, ils permettent au sol d’emmagasiner des réserves d’eau, qui seront ensuite utiles à la vie de celui-ci. Les éléments contenus dans les différents minéraux constituent également des réserves nutritives pour les êtres vivants qui peuplent les sols : bactéries, champignons, mais également les plantes, bien évidemment !

Formation et composition minérale des sols

Nos sols ne se sont pas créés en un jour : La formation d’un sol est un processus de longue haleine ! Sous nos climats tempérés, on estime que la vitesse de formation d’un sol est approximativement d’un centimètre par siècle. Il faut donc environ 10 000 ans pour obtenir un sol d’une profondeur d’un mètre, ce qui correspond à la moyenne de nos régions. Le phénomène d’épaississement est cependant plus marqué sous les climats tropicaux chauds et humides, qui abritent une vie microbienne plus intense, permettant une décomposition plus rapide des débris végétaux et une plus forte production de matière organique.

Journée de la Terre 2023 au Minerallium

Comment se forme un sol ? La première étape est l’altération chimique et physique de la roche-mère, depuis la surface, par le biais notamment des phénomènes météorologiques : la pluie, le gel, le vent, mais également les êtres vivants, certaines bactéries et champignons par exemple. En effet, les microbes aussi sont des mineurs de roche. Ainsi, ils capturent des sels minéraux nécessaires à leurs cellules, comme aux racines : potassium, phosphore, calcium ou fer…

Les plantes sont également très actives dans ce processus via la croissance des racines, car celles-ci sont avides des produits de dissolution des roches. La fragmentation de la roche met ainsi à leur disposition des éléments minéraux comme le phosphore, le potassium, le magnésium ou le calcium, indispensables à leur croissance. Les racines prolifèrent donc dans les zones où la dissolution s’opère et où l’eau est la plus riche.

Processus de formation des sols

Le processus de formation des sols se déroule en plusieurs étapes. Au fil du temps, des organismes successifs s’installent, et vont modifier le milieu au profit de leurs suiveurs, qui, eux, ne pourraient s’installer sans l’altération physique et chimique produite par leurs prédécesseurs. Se succèdent tour à tour :

  • Un biofilm microbien, qui se forme tout d’abord sur la roche nue. Les premiers arrivants sont souvent des organismes photosynthétiques, algues et cyanobactéries microscopiques, puis surviennent d’autres microbes, bactéries et champignons, se nourrissant des précédents ou de leurs déchets ! Ces microbes vivent souvent en biofilms mêlant plusieurs espèces. Ce biofilm attaque déjà des composants de la roche et retient l’eau, les restes organiques morts et les fragments minéraux.
  • La quantité de sol, formée de débris de matière organique créés par le biofilm microbien est minime, mais elle suffit toutefois, au bout d’un certain temps, à nourrir un système racinaire. Ce qu’on appelle les « plantes pionnières » s’installe alors, c’est-à-dire quelques maigres plantes annuelles.
  • Le temps passant, la masse des plantes pionnières augmente et s’installent des espèces plus diversifiées, avec un développement végétatif plus grand et plus durable. Ce développement est permis via l’épaississement progressif du sol par accumulation de matière organique issue de plantes et de microbes morts.
  • Cet épaississement du sol permet à son tour l’installation des premiers arbrisseaux. Ces derniers apportent encore plus de matière organique et retiennent un sol plus épais grâce à leur système racinaire plus développé. Ce sol qui s’épaissit est très noir, car l’abondance de calcium forme des agrégats qu’on appelle le complexe argilo-humique.
  • La succession se poursuit avec des buissons plus fournis, puis des fourrés, en une formation de 1 à 3m de hauteur qu’on appelle une fruticée. Il s’agit souvent d’espèces comme la ronce, l’aubépine, le prunellier, le merisier. Sous terre, le sol s’est épaissi jusqu’à atteindre 1m. Il se teinte d’une couleur brune vers la surface : en effet, le calcium est entrainé vers les profondeurs par les eaux de pluie et remplacé par du fer, libéré par l’attaque de la roche, au sein du complexe argilo-humique.
  • Au bout de décennies, une forêt s’installe. Le sol est devenu assez épais pour soutenir et nourrir les racines, tandis qu’en retour elles le retiennent sur plus d’un mètre. La succession est alors terminée. La couleur du sol est plus brune que jamais car le calcium continue de disparaitre dans les profondeurs : ce type de sol particulier est d’ailleurs nommé « brunisol », d’après sa couleur. Toutefois, le sol ne s’épaissit plus : en effet, l’attaque de la roche-mère est très lente, et sa progression est maintenant égale à l’érosion. On appelle cet aboutissement le climax du sol.
La roche constitue la base des sols

Influence des minéraux sur la formation des sols

La roche mère altérée, c’est-à-dire la couche superficielle de la croûte terrestre composée de différents types de minéraux, constitue la base de tout sol. Cette roche-mère peut être de trois types différents : une roche magmatique, c’est-à-dire un magma qui s’est solidifié, une roche sédimentaire, provenant de l’accumulation de sédiments divers au fil du temps, ou une roche métamorphique, issue de la transformation des deux autres types de roches.

Or, le processus de création d’un sol est sensiblement le même quelle que soit la nature de la roche-mère : calcaire, granite, schiste, sable ou argile. En effet, même si la composition minéralogique de la roche-mère et son type d’altération est important dans la formation et l’évolution des sols, il est secondaire par rapport aux conditions climatiques, via l’apport d’eau et la température, et au type de végétation qui les recouvrent. Les mêmes étapes de création se succèdent alors.

 

On peut cependant observer de légères différences : par exemple en l’absence de calcaires, dont les carbonates rendent le sol neutre, le sol devient d’emblée plus acide (comme c’est le cas des sols sur base granitique en Bretagne). Cependant avec le développement d’un sol de plus en plus profond, la distance à la roche-mère augmente, ce qui limite son influence, et on tend alors partout sous notre climat tempéré vers le même type de sol : un sol brun lessivé, plus ou moins acide.

Composition minérale des sols

Un sol arrivé à maturité est composé de couches différenciées superposées, appelées horizons. Ces couches sont différentes par leur aspect, leur composition minéralogique et leur structure. Le profil pédologique d’un sol se compose de ces différents horizons, désignés par des lettres. Il comprend ainsi généralement, de haut en bas :

  • L’horizon O, tout en haut, qui ne contient que de la matière organique tombée à la surface.
  • L’horizon A, au-dessous, est mixte et mêle éléments minéraux et matière organique.
  • L’horizon B reçoit les éléments lessivés de l’horizon A (notamment les éléments minéraux tel le calcium issu du complexe argilo-humique).
  • Enfin arrive la matière minérale presque pure, à quelques microbes et quelques altérations près : l’horizon C, fait de roche-mère altérée.

 

INRAe cartographie les champignons présents dans les sols français pour l'atlas

Il serait impossible de dresser ici un panorama exhaustif des différents éléments minéraux présents dans un sol. En effet, si une roche est composée d’un ou plusieurs minéraux assemblés, les sols en contiennent souvent bien plus que la roche-mère, puisqu’ils reçoivent les minéraux de celle-ci et ceux qui se forment dans le sol par l’altération de minéraux préexistants. Les sols renferment ainsi une composition minérale extraordinaire : plus de la moitié des espèces minérales connues dans la nature.

Nous avons vu jusqu’ici que les minéraux du sol proviennent de l’altération physique et chimiques de la roche-mère et de la réorganisation des éléments issus de celle-ci, sous le fait notamment de l’action du climat et des microbes du sol. Néanmoins, il existe une autre source de minéralisation non négligeable qui n’a pas été abordée jusqu’ici : la décomposition de la matière organique, l’humus, qui forme la partie supérieure de la couche des sols.

En effet, le sol avale et digère en permanence la matière organique issue des débris végétaux et animaux. S’ils contiennent beaucoup de CO2, de lignine et de cellulose, certains éléments minéraux, représentant approximativement 10% du total, sont également présents dans les restes des cellules mortes : de l’azote, du phosphore, du soufre, etc. Bactéries et champignons décomposent alors ces éléments, notamment à l’aide d’enzymes. Une partie du produit de cette décomposition est ensuite à nouveau minéralisé via la production d’énergie des organismes, et donc rejetée dans l’environnement sous une forme assimilable par les plantes.

L'équilibre argilo-humique désigne la présence de sables, limons et argiles

Classification des minéraux du sol

Un sol contient souvent des particules de toutes tailles en mélange. Celles-ci vont avoir des propriétés différentes, et des bénéfices variés vont en découler pour les organismes du sol et les plantes. Les éléments les plus gros, mesurant plus de 2 mm, sont ceux que nous connaissons le mieux car leur taille les rend très visibles : ce sont les cailloux.

Les fragments de moins de 2mm sont ceux à partir desquels les pédologues – les spécialistes du sol – définissent la nature d’un sol. Ils sont classés en 3 catégories :

  • De 2 à 0,050 millimètres, on appelle ces fragments des sables.
  • Entre 0,050 et 0,002 millimètres, on les nomme des limons.
  • Au-dessous de 0,002 millimètres, on parle d’argiles.

Les mots sables et argiles indiquent ici des tailles, et non une composition minéralogique : on parle alors de texture du sol. Quand une seule des classes domine, on dit que le sol est sableux, argileux ou limoneux. Quand ce sont deux fractions qui dominent, on parle de sol sablo-limoneux, ou limono-argileux par exemple. De cette définition va découler une chimie et une physique particulières du sol qu’il va falloir prendre en compte pour cultiver celui-ci (cultures appropriées, soins à apporter au sol, etc…)

D’un point de vue agronomique, préfère-t-on un sol sableux, limoneux ou argileux ? En réalité, on se rend vite compte que chacune de ces classes nuit quand elle est présente en excès, alors que leur mélange est utile :

  • Les cailloux, blocs et sables, ont en commun de ménager de gros espaces entre eux, par où l’eau et l’air peuvent passer, ce qui est important pour la vie du sol.
  • Mais il ne suffit pas que l’eau passe, il faut aussi la retenir : les limons et argiles, quant à eux, retiennent l’eau dans le sol en y créant de plus petits espaces.
  • Cependant, trop d’argiles peut retenir l’eau trop fortement pour qu’elle soit accessible aux êtres vivants, aux racines en particulier.
  • Les limons ont un effet négatif différent : en trop grande abondance, ils sont sensibles au tassement. Sur un sol découvert ou labouré, ils se réorganisent entre eux et se compriment en une croûte, appelée la croûte de battance, qui freine l’entrée de l’air et de l’eau dans le sol.

C’est donc une présence équilibrée de sables, de limons et d’argiles qui fait la fertilité du sol. L’équilibre de ces fractions dépend aussi du climat : en zone pluvieuse, ou le drainage est vital, on préfèrera plus de sables par exemple.

Argiles

En pédologie, on nomme « argiles » les plus petites particules qu’on rencontre dans les sols, mesurant moins de 0,002 millimètres. En minéralogie du sol cependant, ce terme acquiert un autre sens. Les argiles désignent une famille de minéraux réunis par deux caractéristiques communes : ce sont des phyllosilicates, c’est-à-dire des minéraux faits d’une alternance de couches microscopiques contenant de l’aluminium et de couches contenant du silicium, empilées, qui sont stables dans les conditions chimiques des sols. Une des propriétés les plus intéressantes des argiles est leur propension à se lier avec d’autres composants, bactéries, ou matières organiques par exemple. On trouve souvent les argiles au sens minéralogiques du terme de manière abondante dans les sols, où elles proviennent de la roche-mère ou de sa transformation.

Sables

Si les pédologues nomment « sables » tous les fragments de sol dont la taille est comprise entre 2 et 0,050 millimètres, au sens minéralogique, « sable » est en réalité le nom d’un minéral fait de quartz, c’est-à-dire d’oxyde de silicium. Le sable se forme le plus souvent lors de l’altération physique et chimique d’une roche-mère granitique. Elle libère alors les cristaux de quartz qu’elle contient. Le sable qu’il est possible d’acheter pour divers usages (BTP, jardinage, fabrication du verre, etc…) est d’ailleurs un sable à la fois par la taille des grains et parce qu’il est fait de quartz !

Limons

Les limons sont composés des particules de diamètre moyen du sol, entre 0,050 et 0,002 millimètres. Ils sont donc plus petits que les sables mais plus gros que les argiles. Leur origine minérale est généralement le quartz, le feldspath ou le mica principalement. Ils sont souvent produits par l’érosion des roches par les cours d’eau, qui forme des dépôts alluviaux sur les sols (crues de la vallée du Nil par exemple, ou bien plus proche de nous de la Loire), mais également par le broyage glaciaire ou l’attrition éolienne. Un sol limoneux est souvent léger et facile à travailler. Riche et fertile, il est assez perméable à l’air et à l’eau. Les limons se transportent donc facilement dans l’eau et sont également suffisamment fins pour être transportés sur de longues distances par voie aérienne sous forme de poussière. Les dépôts épais de matériaux limoneux par des processus éoliens sont d’ailleurs connus sous le nom de lœss.

Analyse des minéraux du sol

Les analyses de sols sont aujourd’hui couramment pratiquées en agriculture : près de 300 000 sont réalisées chaque année en France. Elles permettent d’apporter des données pour comprendre la structure et la fertilité d’un sol, et donc d’adapter en conséquence ses pratiques culturales, le type de fertilisation à apporter et d’optimiser sa stratégie de culture. Une analyse complète de sol se fait autour de quatre paramètres : la texture, l’acidité (qui permet quant à elle de caractériser la Capacité d’Echange Cationique), le profil organique et l’état minéral du sol.

Comment une telle analyse se déroule-t-elle ? Des échantillons de sol sont prélevés en champ par carottage à différents endroits sur la parcelle, puis ceux-ci sont analysés en laboratoire. Les analyses de sol sont très encadrées. Chaque année, voire plusieurs fois par an, le ministère de l’Agriculture publie une liste officielle des laboratoires d’analyses de terre agréés. Une analyse de l’état minéral du sol est alors pratiquée, comprenant souvent le dosage des éléments minéraux primaires et secondaires essentiels aux cultures : phosphore, potassium, magnésium, calcium, fer, cuivre, manganèse, bore et soufre, mais aussi la teneur en azote du sol.

 

Les analyses de sols sont aujourd’hui couramment pratiquées en agriculture

Ces dosages sont réalisés grâce à différentes techniques en fonction de l’élément recherché. La terre est tout d’abord séchée et tamisée, débarrassée de ses débris végétaux et des pierres. Les process peuvent ensuite être chimiques ou mécaniques, avec différentes étapes qui se succèdent : extraction des éléments du sol par un agent d’extraction, mise en solution des minéraux puis ajout d’un réactif par exemple. Les résultats obtenus peuvent également varier en fonction de la forme selon laquelle l’élément est présent dans le sol. Par exemple pour le phosphore, cet élément peut être présent sous plusieurs formes, dont chaque méthode ne peut saisir qu’une partie : il existe donc pour le phosphore un procédé d’extraction « à chaud » et un autre « à froid » qui sont complémentaires.

Quel est l’intérêt agronomique de ces analyses ? Chaque élément occupe une place spécifique dans le développement d’une culture particulière, certains ayant une importance accrue en fonction du stade de culture ou du développement d’une espèce végétale donnée (par exemple, le colza est une culture ayant des besoins particulièrement importants en soufre et en bore). Par ailleurs, une carence en un seul élément peut empêcher d’autre éléments, pourtant présents dans le sol, d’être assimilables par la plante. Il apparait donc indispensable de connaitre la teneur de son sol en éléments minéraux afin de pouvoir remédier le cas échéant à de potentielles carences, pouvant entraver le développement d’une culture et faire baisser les rendements.

Cependant, cette analyse de l’état minéral du sol, si elle est importante en elle-même, apparait indissociable des trois autres analyse pratiquées (texture, acidité et profil organique). En effet, ces quatre paramètres forment un tout permettant de comprendre comment fonctionne un sol en particulier et comment réagissent les cultures qui y sont implantées, afin de posséder toutes les clefs pour disposer d’un sol en parfaite santé.

Dans le sol, les minéraux constitutent une nourriture pour les organismes, plantes ou animaux

Rôles des minéraux dans les sols

Dans le sol, les minéraux constituent une nourriture pour les organismes qui y vivent : les plantes, bien sûr, mais également certaines bactéries se nourrissant directement des minéraux contenus dans la roche.

La plante, pour se développer, a besoin d’eau, de lumière et… évidement de minéraux ! C’est dans le sol qu’elle va alors exclusivement puiser les minéraux primaires (phosphore, magnésium, potassium, calcium, soufre et fer) et minéraux secondaires (manganèse, zinc, cuivre, bore et molybdène) qui lui sont utiles. Quelles sont les quantités nécessaires ?

Pour donner un exemple, un hectare de vigne requiert chaque année 200g de bore, 180g de cuivre, 600g de fer, 300g de manganèse, 4g de molybdène et 250g de zinc… ce qui n’est rien à côté de ses 8kg nécessaires de phosphore, 67kg de potassium et 15kg environ de magnésium et de calcium. La plante va donc devoir puiser ces éléments dans le sol grâce à ses racines. C’est une des raisons pour lesquelles un tiers de la biomasse de la plante est souterraine !

 

Mais les microbes aussi sont des mineurs de roches. Ils capturent dans les sols des sels minéraux nécessaires à leurs cellules, comme les racines : potassium, phosphate, calcium ou fer principalement. Ils se nourrissent de ces éléments minéraux issus de la dégradation de la roche, mais certains peuvent aussi s’en servir comme source d’énergie. On nomme ces bactéries « chimiolithotrophes ». Les réactions chimiques qu’elles réalisent libèrent l’énergie qui leur sert à vivre tout en produisant des formes plus oxydées de minéraux qui ont réagi avec de l’oxygène.

Par ailleurs, certains éléments minéraux, tels le calcium (Ca2+) mais aussi le fer (Fe3+) jouent un rôle important dans la formation du complexe argilo-humique, ou argiles et matière organique sont liées. En effet, en se liant avec des particules de matière organique du sol, calcium et fer forment le complexe argilo-humique ayant un triple intérêt agronomique : ses éléments minéraux et organiques, plus lourds, sont moins facilement lessivés par l’eau et restent donc plus longtemps dans le sol, ils s’entre-protègent, et ils favorisent dans les sols une structure poreuse permettant l’entrée d’air et la rétention d’eau.

Application concrète de la minéralogie des sols

L’étude minéralogique des sols permet de connaitre de manière précise les différents éléments minéraux présents dans un sol. En contexte agricole, cette étude apparait extrêmement importante : elle va en effet donner l’opportunité de savoir de manière exacte, en fonction du potentiel de chaque sol et des besoins particuliers de chaque type de culture, quelle quantité d’éléments minéraux devra être apportée afin d’optimiser les rendements agricoles.

En effet, avec chaque récolte (que ce soit des céréales, fruits, cultures maraichères etc…), des éléments minéraux sont exportés de la parcelle agricole. Si ces pertes ne sont pas compensées d’une manière ou d’une autre, le sol s’appauvrit au fil du temps et la fertilité diminue. Ces pertes minérales peuvent être corrigées par différentes méthodes : engrais minéraux ou organiques, jachères, intercultures pourvoyeuses d’azote etc… qui chacune ont leurs atouts et leurs inconvénients.

Grâce à l’étude minéralogique des sols, les apports de minéraux aux cultures peuvent être effectués de manière raisonnée en tenant compte des besoins réels. En effet, les ressources minérales ne sont pas illimitées sur notre planète et doivent être utilisées de manière parcimonieuse. Ainsi, de nombreux sols d’Europe occidentale contiennent actuellement plusieurs dizaines d’années de réserves de phosphore, les phosphates épandus au fil du temps ayant cristallisé et se libérant ensuite lentement. Ceci permet alors de limiter au maximum les apports, alors que les réserves minières mondiales de phosphates connues actuellement devraient être épuisées d’ici une centaine d’années au rythme des prélèvements actuels.

Chaire Mutations Agricoles Paiements pour Services Environnementaux

Conclusion

Pourvoyeurs de nourriture pour les végétaux, les microorganismes et par conséquent tous les animaux terrestres, les minéraux du sol apparaissent comme la pierre angulaire au maintien de la vie sur notre planète !

En parallèle de cette fonction nourricière, les sols possèdent toutefois également d’autres cordes à leur arc : influence sur le climat (stockage du carbone dans le sol pour lutter contre le réchauffement climatique, isolant thermique par exemple), réservoir de biodiversité, maillon indispensable du cycle de l’eau sur Terre. Le rôle du sol et de ses minéraux apparait écosystémique, nous apportant aliments, matériaux, énergie, etc… et la liste est encore longue ! Il convient donc de préserver au maximum nos sols, bien collectif qui nous concerne tous, des agressions et de conserver – ou rétablir- leur potentiel pour la vie et la nutrition des êtres vivants.